La « Malice blanche » : la CIA et la recolonisation furtive de l’Afrique

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26 février 2023
3 minutes de lecture
Sceau officiel de la Central Intelligence Agency (CIA), États-Unis. Domaine public, usage encadré.

À une époque où les narratifs dominants sur la décolonisation africaine tendent à occulter les mécanismes souterrains du pouvoir, il est indispensable de revisiter les faits avec rigueur et lucidité. Le dernier ouvrage de l’historienne britannique Susan Williams, White Malice – The CIA and the Neocolonisation of Africa, constitue à cet égard une pièce majeure : une plongée documentée dans les coulisses d’un néocolonialisme actif, longtemps nié, mais aux conséquences durables.

En mettant en lumière les ingérences occidentales dans les jeunes États africains au lendemain des indépendances, Williams démontre que la fin du colonialisme n’a pas signifié la fin du contrôle. Par l’espionnage, la manipulation politique ou la guerre culturelle, les anciennes puissances ont tenté de redessiner l’avenir de l’Afrique sans l’Afrique.

La rédaction de Géopolitique Mondiale vous propose ici une synthèse de ce livre percutant, que nous considérons comme essentiel à la compréhension des dynamiques géopolitiques du continent et de l’héritage toxique que continue de porter le système international actuel.

L’historienne britannique Susan Williams, qui a grandi en Zambie, poursuit une œuvre singulière : exposer les coulisses méconnues de la décolonisation africaine et les opérations clandestines qui ont marqué l’après-indépendance. Dans White Malice – The CIA and the Neocolonisation of Africa, elle signe un travail remarquable, aussi rigoureux qu’engagé, où la narration se mêle à une enquête dense, fondée sur des archives déclassifiées et des témoignages directs.

Un récit rigoureux, presque médico-légal

L’ouvrage, salué par de nombreux spécialistes, s’impose comme une synthèse critique des interventions secrètes de la CIA en Afrique durant la guerre froide. Sur plus de 500 pages, appuyées par un appareil critique impressionnant (près de 150 pages de notes et de sources), Williams expose, sans recours au sensationnalisme, les logiques et méthodes d’un néocolonialisme qui ne disait pas son nom.

Contrairement à d’autres analyses centrées sur les équilibres globaux, Williams plonge au cœur des opérations concrètes, révélant l’ingérence directe des États-Unis (et de leurs alliés britanniques du MI6) dans la chute de plusieurs leaders africains jugés trop indépendants.

De Hammarskjöld à Lumumba : une Afrique sous surveillance

L’autrice revient notamment sur le crash de l’avion du secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld en 1961, événement longtemps considéré comme un accident, mais dont les éléments matériels, patiemment rassemblés par Williams et d’autres chercheurs, renforcent la thèse d’un assassinat orchestré.

Elle explore également le rôle central du Katanga, province congolaise riche en uranium, convoitée dès les années 1940 pour alimenter le projet Manhattan, et plus tard au cœur des rivalités entre puissances postcoloniales.

Au centre de l’ouvrage : l’élimination de Patrice Lumumba, premier Premier ministre du Congo indépendant. Williams retrace avec précision le contexte, les acteurs et les complicités internationales ayant conduit à son exécution. Bien que la CIA n’ait pas tué Lumumba de ses propres mains, ses agents ont œuvré à créer les conditions de sa chute, avec la passivité complice de Londres et Washington.

Nkrumah, Mandela, Sékou Touré : figures sous pression

Le livre s’intéresse aussi au Ghana de Kwame Nkrumah, figure du panafricanisme, renversé en son absence lors d’un coup d’État militaire appuyé en sous-main. La CIA s’immisce également dans l’arrestation de Nelson Mandela en 1962, en fournissant des renseignements décisifs au régime d’apartheid.

À l’opposé, des leaders comme Mobutu Sese Seko furent soutenus, précisément parce qu’ils garantissaient l’ordre néocolonial. Williams montre que les critères d’alignement idéologique primaient sur toute considération démocratique : mieux valait un dictateur pro-occidental qu’un dirigeant progressiste indépendant.

Un colonialisme sous couvert culturel

L’ouvrage lève aussi le voile sur les opérations d’influence culturelle menées par la CIA. Festivals, bourses, revues, concerts : une partie des élites africaines fut approchée à travers des initiatives financées indirectement par les services américains. Même Louis Armstrong, en tournée africaine à l’automne 1960, se retrouve instrumentalisé – à son insu – dans une stratégie de soft power en pleine crise congolaise.

Williams cite le prix Nobel nigérian Wole Soyinka, qui, apprenant que certaines de ses activités avaient été financées par la CIA, dénonça plus tard « le diable lui-même se régalant dans notre jardin d’Éden postcolonial ».

Un livre nécessaire

White Malice se lit comme un document essentiel sur les ressorts de la domination occidentale post-coloniale. Sans effets de manche, Williams laisse les faits parler d’eux-mêmes. Ils dessinent un tableau sombre mais indispensable : celui d’une Afrique volontairement déstabilisée, où les espoirs d’émancipation furent méthodiquement sabordés au nom de la lutte contre le communisme.

À l’heure où les relations entre l’Afrique et les puissances globales évoluent à nouveau, ce retour sur l’histoire devient une clé de lecture incontournable pour comprendre les défis géopolitiques du continent aujourd’hui.

L’analyse ci-dessus exprime le point de vue de la rédaction et s’inscrit dans une démarche de réflexion, sans prétention à l’exhaustivité ni à l’unanimité.

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